La proposition WhatsApp pour une grosse bambée “Palas” ce mardi 27 août a eu un écho relatif. Un peu dommage mais je veux toujours croire qu’il y a un public pour de pareils challenges dans notre club.
J’écris cela avec un peu de nostalgie en repensant à cette journée du 27 août 2006, il y a 18 ans jour pour jour ! L’ASPTT avait appuyé sur le “bouton” Palas, et 3 assauts distincts s’attaquaient au géant du Béarn (il y a encore les photos sur le site en Archives). C’était d’abord Eric qui emmenait, depuis le refuge d’Arrémoulit Claire, Pascal et Jean-Marie vers le sommet sur un itinéraire d’escalade d’aventure via le Piton Von Martin ; c’était aussi Daniel Lt qui avec ses soixante-treize printemps (et déjà depuis Caillou de Socques !!) conduisait Nicole et “Le Grand Dan” en libre au sommet via l’arête des Géodésiens. J’apportais ma contribution, toujours via l’arête des Géodésiens (mais seulement depuis le refuge d’Arrémoulit) en conduisant une cordée de quatre avec Christiane, Florinda et Alain. Ce jour-là, l’ASPTT portait 11 de ses membres au sommet avec quelques retours crépusculaires notamment pour l’équipe d’escalade…Et puis, il y avait aussi l’hermine du lac d’Arious…
C’est peut-être en pensant à toutes ces images embrumées que je conjugue “Palas” avec Géodésiens, l’élégance, incontournables Géodésiens…Du Palas, on en reparle fort chez les “Pétos” depuis quelques mois, depuis que Christian a appuyé sur le bouton “Palas”. Avec Jacques et Jackie, j’ai trouvé l’opportunité d’envisager un projet de traversée d’abord “privé”. Au constat de l’infortune météo des uns, de vents beaucoup plus favorables pour ce mardi 27 août, il y a l’opportunité d’en faire un projet élargi, un projet club. Mais, ne pas se mentir, très grosse journée à vivre. Par contre la météo serait assurée. Sylvie se rallie au groupe et nous nous comptons 4.
Bien avant de décrire une réussite mémorable, je veux saluer l’état d’esprit de nos deux féminines, nouvelles adhérentes, néophytes en alpinisme, elles ont pris le parti de ne pas peser sur la course, d’être présentes dans le seul souci d’efficacité de groupe et en confiance ; je retiens leur visages radieux après 11 heures d’efforts et 1900m de dénivelé et je suis rassuré, il y a bien un écho positif et de l’engagement pour envisager ce type de courses ! Je donne rendez-vous bientôt pour le Petit Gabizos…Pas si petit que ça…sans oublier le prochain Pic Long avec Jean-Marie.
Depuis Caillou de Socques, un peu avant 7h heures et à la frontale nous attaquons la montée vers le lac d’Arious via la bergerie au gros rocher. Le passage d’Orteig se présente puis le refuge d’Arrémoulit après 1000m de dénivelé (déjà), un peu après 9h. Laissons Arrémoulit en chantier, la prochaine étape qui se propose s’appelle brèche des Géodésiens, point bas de la crête nord du Palas. Il faut enrouler tout le contrefort ouest du sommet. La clé de l’orientation est de rejoindre le lac du Palas un peu au-dessus du refuge ; en le tangentant par la gauche, le quatuor s’applique à suivre un cheminement de cairns. Le chemin varié progresse régulièrement. Vers 11h nous sommes à la brèche. Spectacle magnifique sur le Balaïtous. Rien que du soleil, une orgie de ciel bleu, spectacle des crêtes et des sommets proches, irréel. On peut encore continuer sur l’arête sans s’équiper, les bâtons sont rangés, l’escalade en libre très ludique commence, un bon échauffement en vérité. Quelques centaines de mètres plus loin, 2 bouts de bois plantés dans les rochers donnent le signal d’un “grand chambardement”. La course va continuer dans le ravin en pleine face, dans la verticalité du versant nord-ouest. Mes partenaires incrédules visualisent le cheminement, les cairns, l’invitation, le début des Géodésiens.
Casque, baudrier, liens de 3 à 4 mètres, explications becquets. Pour les 3 néo-Palas, Jackie, Sylvie et Jacques, tout devient surréaliste : passer là !!?? Il faut engager vite. La cordée avance d’abord timidement et trouve des repères, pose les liens d’abord un peu maladroitement puis très vite aux endroits plus appropriés. On avance quelques fois en grimaçant mais la gestuelle s’améliore vite. Arrive un petit éperon derrière lequel je ne vois plus de continuité de cairns. Se retourner, envisager d’autres solutions, Jacques se retrouve en tête mais rien de bien défini…Garder son calme, revenir, retrouver une continuité, on passe le petit éperon et au-dessus, se trouvent les cairns. On ne les perdra plus, je n’annoncerais que des “bonnes nouvelles”. La cordée contourne un pilier, remonte une cheminée, retrouve la crête mais prend son temps, il faut profiter des paysages, des sensations et de toutes façons on ne peut guère aller plus vite, chacun, chacune fait de son mieux. L’itinéraire s’élargit et propose plus de profondeur on prend plus de libertés avec nos accroches et on se rapproche toujours plus, pourtant le sommet se fait attendre…Vers 13h15, le début du final sur les rochers de l’arête sommitale, l’euphorie gagne. Un groupe d’espagnols arrive depuis la cheminée Ledormeur dans le même timing que nous, une jeune bordelaise les accompagne. Tous se félicitent… On s’installe sous la masse sommitale bâtie comme un cairn géant étêté. Un palace ce Palas ! Arrive un nouveau couple de jeunes espagnols un peu trop empressés sur le sommet, une pierre glisse… Assassino! Les éclats de rire fusent.
Panoramas et repas. On ne s’est plus arrêté depuis la brèche des Géodésiens. La jeune bordelaise écume les crêtes pyrénéennes, seule, en itinérant, en autonomie. Elle se rapproche, on parle montagne, conquêtes, on partage. Elle pourrait être notre fille, non, notre petite fille… Sa détermination ou son inconscience impressionnent, elle descendra seule dans l’arête, on explique notre cheminement, elle part non sans avoir fait honneur au gâteau que Jackie a emmené ici !
Un peu après 14h, le temps du retour vient. Sylvie n’envisage que la totale, redescendre par la cheminée Ledormeur, Jackie confirme : « depuis le temps qu’on en entend parler! ». La corde a été rangée. Seuls “Assassino” et sa compagne restent encore au sommet…La première partie se présente comme un couloir pentu mais sale avec de la caillasse de tous calibres et en quantité. 300 mètres plus loin, il faut enjamber le couloir sur la gauche et descendre encore un peu sur l’arête maintenant. Puis d’un coup, les cairns basculent à gauche en faisant comme une épingle à cheveux. La cheminée Ledormeur s’ouvre devant nous. Sans trop marquer l’arrêt le quatuor descend, Jacques, notre ultime rempart « pare-cailloux », ferme. De face ou en désescalade, il faut alterner et s’entraider, on prend notre temps. La dernière partie semble la plus problématique, moins de prises et plus de pente…Ce que l’on pouvait redouter arrive: “Assassino” et sa compagne nous rattrapent. “No piedras !!” Bientôt on en finit avec Ledormeur mais il reste encore une dernière difficulté une dizaine de mètres de barres à traverser pour trouver le pierrier, la sortie. Je reconnais la clé : il y a une strie de roche brune ferrugineuse qu’il faut poursuivre au plus loin vers le port du Lavedan et à un moment, on trouvera des solutions “en randonneur”. Le groupe s’y applique avec succès et bientôt peut s’écarter de la muraille pour un peu de repos bien mérité.
15h30, 1h15 pour descendre du Palas. De la belle œuvre assurément. Il n’y a pas trop d’euphorie, le quatuor sait que le retour sera long : d’abord s’efforcer de ne pas perdre d’altitude pour passer au col du Palas et plonger sur Arrémoulit. On y parvient sans trop de déboires en traversant plusieurs pierriers. Après le col, les pierriers continuent, très pesants, ça n’en finit plus. Arrémoulit en chantier (ce n’est pas demain qu’il va rouvrir, il en est aux fondations…), un temps d’arrêt sur la dalle devant le petit barrage et le gâteau de Jackie qui contribue encore…Plus tard un groupe de jeunes vendéens se joignent à nous pour être guidés sur le passage d’Orteig ; on les charrie un peu. Le lac d’Arious, le col, la bergerie. La bergère court pour nous rattraper, elle veut nous garantir de ses deux patous plus bas vers le torrent, avec le troupeau. Une trentaine d’années, solide montagnarde…On a le temps pour elle, on discute de sa vie rude qui la passionne, qu’elle partage avec son compagnon, ils ont 2 enfants. On apprend que l’ours habite par-là, sur l’arête du pic d’Arious…Elle voit les patous et le travail reprend le dessus…Belle rencontre !
19h et la voiture pour ponctuer cette journée. Ah, ça oui, on s’est bien régalés !! Un grand merci à mes associé(e)s du jour, belle réussite collective et prometteuse !
Antoine
les photos de Jackie et Sylvie (les photos d’Antoine en attente) ici
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