Dans notre programme, l’idée du Maupas germe avec les skieurs de randonnée et l’éventuelle participation de raquetteurs. Mais les conditions de neige de ce milieu d’avril ne permettent pas une approche ski confortable et le portage promis serait une galère pour les skieurs. Pour les raquetteurs, il en va de même…Reste que l’idée originelle semble prometteuse pour des motivés que peut tenter ce bivouac confortable en altitude avec une course promise avec un fort goût d’alpinisme, d’autant que la météo donne le feu vert. Ce sera grand beau mais froid : crampons piolet inévitables pour le sommet.
Nous nous trouvons 5 pour l’aventure, un groupe bien affûté en fait et avec beaucoup de motivation car compte tenu du sac consistant à emmener sur 1300m de dénivelé le premier jour, il vaut mieux. Pour Jean-Marie et moi, le terrain est familier, nous sommes en « terrain conquis », nous comptons au moins cinq ou six épisodes au refuge du Maupas, quelques moments glorieux pour le retour ski ou raquettes et les conquêtes, déjà archivées, du Maupas ou du Boum. Pour Marie-Laure, Didier et Jacques, il s’agit d’une première…Bienvenue à la maison, bienvenue chez nous !
Depuis Bagnères de Luchon, nous venons de remonter la vallée du Lys qui se termine à la centrale électrique du Portillon. Avant d’arriver à la centrale, le parking nous fait craindre le pire quant à la fréquentation du refuge. Fausse alerte, nous serons seuls ce soir. Un peu après 10h nous évoluons dans les premiers lacets confortables rive droite du ruisseau de la Houradade. Beaucoup plus tard, plus haut, le chemin devenu très montagnard traverse ce ruisseau pour prendre plein Ouest vers la cabane de Prat Long.
En quittant la forêt, le groupe arrive sur un petit col et désormais son itinéraire sera piloté par la conduite forcée et ses portiques caractéristiques car ce qui reste de la pente, sur les six cent derniers mètres de dénivelé pour rejoindre le refuge, se présente totalement découvert. Entrecoupée de névés, cette pente ne permet pas aujourd’hui une progression régulière et il faut mener un itinéraire « à l’arrache », un peu au feeling…La charge se fait bien sentir, il faut gérer la brutalité de l’effort nécessaire mais les pieds se calent facilement et la neige du début d’après-midi donne des appuis très corrects. Après la station intermédiaire, il reste une dernière bute à passer au plus proche de la conduite. En passant de l’autre côté de la conduite, le refuge se découvre au bord d’une grande combe. Au-dessus de nous bien en évidence la Tusse du Maupas et le Maupas. La Tusse est en quelque sorte l’épaule Nord du Maupas, il n’y a pas de col entre les deux même si du refuge on voit comme deux sommets bien distincts.
Le refuge investi, les marques sont prises rapidement : la salle principale accueillante, le dortoir pour 30 personnes en trois niveaux, les couches garanties par un revêtement plastique, les radiateurs électriques qui fonctionnent, la bouilloire à disposition apte à donner de l’eau chaude, le tuyau d’eau courante à l’extérieur, la « guitoune » avec des toilettes prises par la glace et donc commodités inopérantes…Malgré tout à 2430m, un confort inespéré. Un peu de calme pour le groupe, une petite collation style «4h ». On va ressortir, c’est sûr mais pas pour le Lac Bleu comme envisagé au préalable car du refuge il faut redescendre tout l’étage de Prat Long. Non, notre après-midi se finit plutôt style cocooning et pas n’importe où, sur la Tusse de Prat Long (2521m) en balcon sur le refuge, le soleil généreux, la vallée du Lys, le Lac Bleu et l’étude de notre itinéraire vers le Maupas, demain.
Adossés au cairn sommital, l’occasion de refaire le monde et de le relire puisque Jean-Marie l’a embarqué, les lézards voient le soleil peu à peu décliner, il finit son œuvre et le froid se fait brutalement sentir mais bientôt 19h, un bon timing pour réinvestir notre tanière et préparer le repas. Plus tard après conjugaisons de partages caloriques et « moultes » discussions montagnardes, il faut prendre un bon élan pour aller se coucher… Brrr…
On n’a pas eu froid et avec le radiateur, le sac à viande + duvet + couvertures en masse semblent un bon cocktail et du coup personne ne bouge encore à 6h30 bien que cette nuit…Du coup, je programme mon tel sur une alarme à 7h. A l’extérieur, il ne fait pas trop froid non plus, le regel n’aura pas été trop virulent. Bien couverts, sans charge, crampons piolet nous quittons le refuge peu après 8h. Les traces repérées la veille aident et portent d’abord vers la Tusse de Prat Long et ensuite plein Sud vers la Tusse du Maupas ; deux étages à gravir en faisant des lacets beaucoup moins serrés que la trace, nous sommes sous l’éperon nord de la Tusse. En examinant les topos, hier, deux alternatives s’offraient. Escalader la Tusse ce qui permet d’éviter le « mauvais pas » ou passer sur « le mauvais pas » en rejoignant l’épaule Sud de la Tusse. Le « mauvais pas » est un passage engagé juste sous l’arête de la Tusse, sur des dalles un peu verticales qui nécessitent un peu d’escalade, mais ce « pas » n’existe pas aujourd’hui, la neige remplit tout, seulement une pente enneigée à l’endroit du passage. Hier, notre traceur émérite n’a pas fait dans la dentelle, très chevronné, il a fait son chemin plus à gauche, il a atteint un replat et fait une directe vers l’épaule Sud de la Tusse.
Au bout de la « directe » une courte pause pour mettre la doudoune, un peu de vent et du froid viennent nous cueillir, jusqu’ici le soleil nous poussait, on oublie vite le confort…Mais il reste à longer l’arête qui s’incurve comme un « C », le sommet est à nous, plus personne n’en doute, nous y allons, rester concentrés. Encore deux passages expos et une petite directe pour sortir. Spectacle sur Maladeta, Perdiguere, Posets, Crabioules, Boum…Le refuge, la conduite forcée, la vallée du Lys. Un peu plus de deux heures pour arriver, prendre son temps.
Après une grande pause, pour redescendre, la cordée s’organise très vite, des réflexes bien acquis par tous facilitent bien les choses ; les liens de 2 à 3m, piolet à main droite…La bonne humeur et le sérieux, la concentration. Jacques donne le rythme, Didier suit, Marie-Laure suit Didier (comme souvent), arrive Jean-Marie, je ferme. Ton rythme de sénateur Jacques s’il te plaît, on n’est pas pressés, vraiment, juste profiter du spectacle, des conditions. Les difficultés s’estompent les unes après les autres, quelles difficultés ? Vous avez vu des difficultés ? Sous la Tusse chacun retrouve son autonomie.
Le refuge nous retrouve pour le repas plein soleil côté Est du refuge. Il faudra penser à acquitter son écot (pour la nuit 4€ pour un cafiste et 8 pour les autres). Marie-Laure sera la déléguée du groupe. Dans l’après-midi, pour rejoindre le plat de la cabane de Prat Long, les névés facilitent grandement notre progression, ensuite il nous suffit de dérouler, on gobe la descente.
Que dire de plus ? Rien, le temps passera, fera son œuvre, des images resteront…Le vécu de ce week-end, une belle définition de « ma montagne », assurément. Mais non, je n’allais surtout pas les oublier !! Il faut croire que je suis déjà reparti : un grand MERCI à mes quatre complices.
Antoine
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