Le bivouac à la brèche de Tuquerouye en pleine semaine, au bout de septembre, a eu un écho limité. Pourtant Jean-Marie, Isabelle et Christiane s’invitent à la fête pour former un groupe très en confiance. Du coup innovation ! Et le tour du lac des Gloriettes par la rive droite ne poserait pas vraiment de soucis même si le brouillard a fondu tous les décors. Las, avec la fraîcheur, on monte un peu trop vite sur l’itinéraire pour… le cirque de Troumouse !! Nul besoin de GPS pour décider « Barre à Tribord toutes » et le groupe trouve la passerelle qui marque, au sud, la fin du lac. Dès lors, la remontée du profond cirque d’Estaubé vers le Port Neuf de Pinède ne s’écarte pas trop des traces nombreuses que nous avons appris à couper au mieux, tellement elles nous deviennent familières. Reste que nuages et brouillard s’activent toute la matinée et qu’ils ne nous laissent respirer qu’à l’aplomb Est du Pic Rouge de Pailla ou la coupure gastronomique de mi-journée s’impose.
L’après-midi avance dans cette même ambiance « grisogène ». Un gros pierrier, un petit névé et la borne de Tuquerouye, telle un pain de sucre et livrée par le brouillard, marque l’accès du fameux couloir du même nom. Dans le dernier tiers, le couloir se referme : sevré de soleil il garde, suivant les années, une épaisseur de neige conséquente. Pour nous, entre le rocher et le névé, un passage étroit découvert permet d’accéder avec facilité mais le 14 août dernier, un miraculé randonneur d’Espagne est tombé ici et ne s’est arrêté que sur le cône de neige du gros rocher 100m plus bas.
Le refuge renifle l’humidité lorsque nous l’investissons mais il marque une étape plus que sympathique car nous y déposons les nombreuses nécessités du bivouac qui envahissent les sacs. Le temps de souffler sans lézarder faute de soleil et le petit groupe enchaîne la descente vers le lac glacé prolongé sur son bord vers l’Est. Quelques répits : des éclaircies nous permettent d’espérer pour la suite et la montée au sommet de Pinède se fait dans de bonnes conditions, on aura même droit à quelques images du Mont Perdu et du Cylindre. La montée est rapide et sans trop de difficultés. Au but de notre engagement, même si nous avons le temps, les panoramas perturbés ne militent pas pour une sieste. Le retour vers le refuge s’effectue dans un brouillard dense dans lequel nous vaincrons de nouveaux errements.
Avant de remonter vers le refuge, les garçons partent pour le ravitaillement en eau jusqu’au point d’alimentation du lac glacé côté nord. Pas si simple le chemin, mais cela permet aussi de reconnaître le début de l’itinéraire du lendemain. A l’intérieur, la nuit s’annonce calme et fraîche, et elle arrive au galop… Pour contenir l’adversité, heureusement les réchauds chauffent la soupe et l’ambiance. La cerise sur le gâteau, on trouve ici juste le peu de bois et de papier pour produire une flambée, animer le bigourdan et s’imprégner de l’atmosphère des lectures de Frison Roche… L’essai se transforme ! La suite, une veillée toute simple, à base de jeu de cartes et seulement lorsque la braise s’éteint, on gagne les couches sous quelques kgs de couverture. Premières sensations fraîches mais la chaleur du corps irradie le nid et donne de la force pour la suite.
Vers 7h30 ça commence à bouger dans le refuge et très vite de l’eau bout. Dehors, grand beau et le soleil éclaire la crête du Mont Perdu jusqu’au Marboré. Il fait frais mais la descente jusqu’au lac glacé se fait prudemment. L’itinéraire s’offre des balcons aériens au dessus du lac, ensuite un cheminement sauvage évolue rive gauche sous le Pic de Tuquerouye. Il croise bien quelques névés mais aucun ne viendra nous gêner et il vaut mieux car les crampons végètent, abandonnés au refuge. Finalement, la montée se fait rapidement en moins de 2h, même si le fond du vallon rebondit plusieurs fois comme un antécime insaisissable. Et puis d’un coup, nous arrivons sur le col swan, haut lieu de l’alpinisme pyrénéen pour le couloir qu’il domine.
Comment ne pas l’évoquer ? Le 30 avril 2006, ici, 2 cordées de l’ASPTT sortaient du Swan. Eric et Jean Marie devançaient Pascal dont j’étais le second. Eric, grand organisateur-artisan-réalisateur du projet et du succès avait fait sauter, pour l’ensemble de l’équipe, le verrou glacière du bas en plantant ses broches dans la glace. Dans le couloir, pendant plus de 6 heures nous avions subi l’agressivité du froid et aussi d’autres cordées (surtout espagnoles) qui nous doublaient dans des conditions de sécurité plus que précaires. Cela ne perturbait en rien notre meneur qui exécutait méthodiquement ses points fixes les uns après les autres, en fait il exécutait le Swan, souverain, à sa main. A la sortie du couloir, une impression étrange d’irréel… des brassées mais de la retenue… Pascal et Eric pensaient que la journée était déjà bien pleine mais nous avions Cannibale Jean-Marie, qui rajoutait sa touche second souffle et les seconds de cordée terminaient sur les terrasses du Grand Astazous. Le retour s’avérait longuet par Tuquerouye, la Hourquette d’Alans, le refuge du Pailla dont nous étions partis et enfin Gavarnie !
Cette conquête, elle se lit dans les yeux d’Isabelle aujourd’hui ; elle est partie avec Jean-Marie sur le petit Astazou, le moins facile, il lui faudra ramper sur une vire qui domine le glacier de Pailla passer une petite cheminée de quelques mètres et revenir sur le col swan pour un rebond final sur le Grand Astazou. Bravo !
Pendant ce temps, avec Christiane, nous anticipons le retour et la descente. Le quatuor se retrouve dans la brèche de Tuquerouye et lézarde cette fois au soleil! Il reste à retrouver le lac des Gloriettes et sans brouillard, le cirque d’Estaubé s’offre à nous. Pic Rouge dePailla, Piméné, Gabieudou, Pic Blanc, ne changez-rien !
Antoine
Les photos d’Isabelle à suivre: Jour 1 ——Jour 2
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